Comme son fils insistait, le capitaine alla prendre sa longue-vue et scruta la surface de la mer, en direction du sillage. Stephano le vit pâlir…
– Je vais me faire bien du souci pour toi maintenant : ce que tu vois émerger de l’eau et qui nous suit, est bel et bien un K. C’est le monstre que craignent tous les navigateurs de toutes les mers du monde.
C’est un squale effrayant et mystérieux, plus astucieux que l’homme. Pour des raisons que personne ne connaîtra peut-être jamais, il choisit sa victime et une fois qu’il l’a choisie, il la suit pendant des années et des années, toute sa vie s’il le faut, jusqu’au moment où il réussit à la dévorer. Et le plus étrange c’est que personne n’a jamais pu l’apercevoir, si ce n’est la future victime ou quelqu’un de sa famille…
Merveilleux et humour mêlés, ces textes de l’un de nos meilleurs auteurs contemporains sont brefs et d’une résonnance poignante.

Journaliste, Dino Buzzati avait le sens de la formule, la capacité d’écrire court, un don pour la chute… Satiriste, il faisait son miel des faits divers, qui lui inspiraient des contes cruels, mêlant réalisme, anticipation à court terme et insolite… Son fantastique, métaphore des travers humains, nous offre une image dérisoire du pouvoir, de l’argent, des honneurs… Buzzati dépeint fréquemment des hommes qui, trop tard, découvrent qu’ils sont passés à côté de l’essentiel, tel le personnage de Et si ?, qui s’aperçoit qu’il a négligé l’amour. Dans Le K, le récit qui donne son nom au recueil, un jeune garçon renonce à devenir marin de peur que le K, un monstre qui le pourchasse, ne le dévore. Il lui faudra attendre une ultime confrontation pour réaliser qu’il lui offrait fortune, puissance et bonheur ! En quelques dizaines de nouvelles, souvent féroces, Buzzati brosse un tableau douloureux de la condition humaine, heureusement tempéré par une distance et un humour qui en font un écrivain attachant.
Voila donc un petit recueil qui vous fera passer un bon moment et « peut-être » vous ouvrira les yeux ?